Interview de Michel Pierre, fondateur de l’herboristerie du Palais royal
La profession d’herboriste, on le sait, est en voie de disparition. Michel Pierre, directeur de la célèbre Herboristerie du Palais Royal et coauteur d’un des meilleurs ouvrages de phytothérapie français, « Au bonheur des plantes » (Le Pré au clerc), tente par tous les moyens de faire renaitre ce beau métier.
Comment avez-vous découvert l’herboristerie ?
J’ai eu la chance d’ apprendre le métier de préparateur en pharmacie à la campagne, confectionnant toutes sortes de médicaments, des pilules, des sirops, des suppositoires, ainsi que des mélanges de plantes… puisqu’à cette époque on pratiquait encore la chose en pharmacie.
Ensuite, dans les années soixante-dix, je suis venu à Paris pour tenter de me faire une situation.
J’ai trouvé une place de distributeur de médicaments, qui ne correspondait pas du tout au métier que j’avais appris, et qui ne me plaisait guère.
Par bonheur, le hasard de la vie m’a amené à acheter cette boutique qui est aujourd’hui l’herboristerie du Palais Royal.
Bien que le diplôme d’herboriste ait disparu, le public utilise de plus en plus les plantes. Comment expliqueriez-vous ce paradoxe ?
Il faut dire qu’après la guerre, le médicament chimique a largement pris le dessus, notamment grâce à la pénicilline qui à l’époque sauva beaucoup de vies.
Ensuite, dans les années soixante et soixante-dix, le public a commencé à prendre ses distances par rapport au chimique.
C’était une époque où des pionniers comme Dextreit, Passebecq ou Mességué, ainsi que des figures plus médiatiques comme Rika Zaraï, essayaient de communiquer leur expérience en faisant redécouvrir au grand public des méthodes de soins traditionnelles à base de plantes.
Cela a été d’une importance vitale pour l’herboristerie en général.
Depuis cette époque l’évolution des phytothérapies et des compléments a progressé de 10 à 20%.
Et plus récemment, peut-être depuis une dizaine d’années, cette progression s’est encore accrue.
Avez-vous été amené à faire évoluer votre herboristerie en distribuant autre chose que des plantes ?
La vente et le conseil prodigué sur les plantes est notre principale activité ; mais effectivement nous avons, petit à petit, vendu des teintures, qui sont des macérations des plantes dans des solutions alcoolisées, ainsi que des concentrés végétaux avec une teneur en alcool beaucoup moins importante, tournant autour de dix à quinze degrés.
Par la force des choses, on a également fabriqué des gélules.
Grâce au docteur Valnet, nous avons aussi développé une gamme d’huiles essentielles.
Toutefois, restant extrêmement délicates à manipuler, nous ne les vendons que par prescription du naturopathe ou du médecin.
Enfin, ces dernières années de nombreux produits sont venus s’ajouter à ce panel, entre autres les compléments alimentaires, qui ne sont pas à négliger, ainsi que les fleurs de Bach, qui jouent sur tout ce qui est psycho-émotionnel.
Pensez-vous que les médecines naturelles en général et l’utilisation des plantes en particulier puissent remplacer un traitement chimique ?
Dans le cas de la chimiothérapie ou des trithérapies, les plantes aident le corps à réagir et à faire disparaître les effets secondaires de la médication chimique.
Mais il faut, bien sûr, rester très prudent : les plantes ne peuvent pas remplacer une médication chimique, surtout lorsqu’on s’en sert qu’en dernier recours, une fois la pathologie profondément installée.
En revanche, elles peuvent donner d’excellents résultats pour une cystite, contre un calcul biliaire ou rénal, contre l’hypertension, le diabète, etc.
Dans ce genre de cas bien précis, elles peuvent donc totalement remplacer les conseils du médecin généraliste.
Combien reste-t-il d’herboristeries en France ?
Nous sommes une quinzaine.
Dans les années quarante, il y avait encore quatre mille herboristeries.
Aujourd’hui, la France est le pays le plus démuni dans ce domaine puisqu’il y en a près de six mille en Allemagne, cinq mille en Italie, deux ou trois mille en Espagne.
Quant à l’Angleterre, elle laisse une ouverture libre à la profession.
Enfin, les pays d’Europe centrale ont toujours été culturellement de grands consommateurs de plantes.
Comment cette « exception française » est-elle possible ?
Pour plusieurs raisons.
Premièrement, le diplôme d’herboriste a été supprimé.
Or, seules les herboristeries et les pharmacies ont le droit de vendre des plantes, à ceci près que les pharmacies n’ont quand même pas le droit d’ouvrir une herboristerie dans leur structure.
Par ailleurs, les pouvoirs publics distillent au compte-goutte les licences permettant le commerce de plantes aromatiques et médicinales.
Et, pour couronner le tout, ces licences couvrent beaucoup plus fréquemment la vente des plantes aromatiques que celle des plantes médicinales.
Si rien ne se passe rapidement l’herboristerie est appelée à disparaître.
Déjà, nous ne sommes plus, à Paris, que trois herboristes pour douze mille habitants.
Conséquence : la demande croissante du public en matière de médications douces est constamment déçue.
L’Internet ne constituerait-il pas une alternative pour les herboristes ?
Bien que nous pratiquions la vente par correspondance et que nous disposions d’un site, pour nous l’Internet est presque secondaire.
C’est un plus, oui, mais qui ne remplacera jamais une boutique réelle.
Lorsqu’un client entre dans notre herboristerie, nous passons beaucoup de temps à lui expliquer l’usage d’une plante et la nécessité d’employer celle-ci plutôt qu’une autre.
Un temps qu’il est encore impossible de dédier sur Internet.
Pensez-vous que l’évolution de la sensibilité des Français aux médecines douces puisse permettre au métier d’herboriste de retrouver ses lettres de noblesse ?
Oui, je pense que cette évolution va conduire le public à comprendre l’importance du métier d’herboriste.
Il est intéressant de constater que le nombre de médecins diminue et que le nombre de naturopathes et de phytothérapeutes explose.
Donc, dans quelques années, il est fort possible que pratiquement chacun, en plus d’un généraliste, aille voir un naturopathe, un conseiller en hygiène alimentaire ou un phytothérapeute.
D’ailleurs, beaucoup de généralistes ont abandonné leurs plaques de médecins pour se spécialiser dans une de ces disciplines.
Malheureusement, une telle évolution n’est pas forcément comprise ou acceptée par les organismes d’Etat.
A l’heure actuelle, certains médecins généralistes, qui prennent la liberté de conseiller des produits naturels à leurs patients, se sont vus mis à pied par l’ordre des médecins.
C’est pour répondre à cette injustice que nous avons créé une association, la « Confédération européenne pour la préservation de la santé ».
Comment faites-vous pour choisir les plantes en l’absence de labels ?
Tout d’abord nous n’achetons pas à des particuliers.
Toutes les plantes que nous nous procurons sur le marché français sont issues de la culture biologique.
Mais cela ne représente que 10% de nos acquisitions.
Les 90% restants, en provenance d’autres pays, sont des plantes sauvages pour la plupart.
Elles passent généralement par un grossiste qui effectue différents contrôles de qualité, concernant les principes actifs ainsi que la teneur en insecticides et pesticides.
Quel que soit le cas de figure nous agissons donc avec la garantie d’avoir un produit contrôlé et de qualité.
Voyez-vous un lien possible, dans le futur, entre les magasins bio et les herboristeries ?
Il y a trente-cinq ans, lors de la première réunion d’herboristes à laquelle j’assistais, j’ai proposé la création d’un diplôme d’herboriste diététicien, qui permettrait de vendre à la fois des plantes et des produits bio.
Evidemment, tout le monde a levé les bras au ciel.
Je ne suis pas sûr que cela existe en Allemagne.
Mais en Italie, certaines boutiques de diététique font aussi l’herboristerie et la cosmétique bio.
Pensez-vous qu’aujourd’hui un herboriste puisse vivre de cette seule activité ?
Non !
Pour vous donner un exemple, l’herboristerie c’est-à-dire uniquement la vente de plantes représente approximativement 50% de notre chiffre d’affaire.
Compte tenu des restrictions actuelles, un herboriste doit donc ajouter à ses produits des compléments alimentaires et et de la cosmétique bio afin de faire vivre sa boutique.
Mais la base restant la plante, je considère que cela fait partie du même métier en quelque sorte.
Je pense que la France pourrait supporter cinq à six cents herboristeries à l’heure actuelle.
Mais il faut que ces points de vente soient capables de proposer des plantes fraîches et puissent répondre aux prescriptions médicales.
Pensez-vous qu’il existe une forme de désinformation sur les méthodes de soins proposées par les herboristes ?
Je pense que oui, même si beaucoup de médias tentent d’informer le public sur les plantes médicinales.
Toutefois, rares sont ceux qui partagent les connaissances particulières qui font des herboristes ce qu’ils sont.
Nous seuls, en effet, savons vraiment diriger le public vers la plante qui lui convient le mieux, et, a fortiori, comment et jusqu’où le pouvoir de la plante peut agir.
En l’absence de réglementation en France, existe-t-il un moyen de se former au métier d’herboriste ?
Le diplôme ayant été supprimé dans les années quarante, il n’y a plus de moyen d’être officiellement herboriste en France.
En revanche, il existe quelques écoles qui peuvent vous en apprendre beaucoup sur les plantes, et qui vous permettront d’être conseiller dans une herboristerie ou dans une boutique de diététique.
La plupart donne des cours par correspondance ou une fois par mois.
Par ailleurs, la faculté de Bobigny dispense des cours réservés aux professions paramédicales.
Enfin, il reste toujours possible d’acquérir un diplôme d’herboristerie à l’étranger, par exemple en Belgique ou au Canada… même si cela ne vous donne pas pour autant le droit d’être herboriste en France !
Nicolas Send
Visitez le site de l’herboristerie du Palais royal
Pour soutenir Réponses Bio et nous permettre de rester un media indépendant, RDV sur notre page Tipeee en cliquant sur ce lien.
..cf Alliance pour la Santé journée « portes ouvertes » du 6 avril, ils défendent les mêmes valeurs..bien avec vous
thanks very much,,,,
You’re welcome 🙂
Bonjour,
merci pour vos réponses très complètes. Aujourd’hui en octobre 2013 y a-t-il eu une évolution favorable concernant le diplôme d’herboriste en France ?
D’avance merci,
S.Schwald
Bonjour Sylviane,
A ma connaissance, les professionnels continuent de demander le rétablissement du diplôme… et d’y croire.
Beaucoup s’y préparent d’ailleurs en étudiant de plus belle la phytothérapie…
Mais du coté des autorités toujours la même lenteur à réagir.
Toutefois, lenteur n’est pas fin de non recevoir !
Espoir !
Jean-Baptiste
me soigne avec les plantes (grand mère guérisseuse)
Bonjour,
est-ce que vous pouvez nous recommander un enseignement à distance sérieux?
Avez-vous eu par exemple un retour sur la formation de Conseiller en plantes médicinales du Cerfpa?
Toute info à ce sujet me serait précieuse.
Merci.
Emilie
Oui, je l’ai faite. Il y a énormément de travail personnel et de recherches à effectuer et un stage pratique d’une semaine sur place à St Laurent du Var. J’en suis très satisfaite.