On connaissait le quotient intellectuel, visant à mesurer l’intelligence de la raison.
On savait que des tests pour mesurer l’intelligence émotionnelle étaient nés récemment.
Voici à présent que viennent d’être entreprises des recherches autour de la notion d’intelligence du stress.
Avant d’aborder la notion d’intelligence du stress, sans doute est-il indispensable de définir le stress.
Le stress, selon Christine Donati, psychologue spécialisée dans ce domaine, est “ l’état dans lequel un sujet doit faire face à une situation qu’il ressent ou qu’il évalue comme étant potentiellement dangereuse ”.
Il est donc bel et bien question d’une situation à laquelle il faut s’affronter, qu’elle soit physique comme disputer un match, ou psychique comme faire une conférence.
C’est cette situation que l’on qualifiera de stresseur.
Mais, dans cette définition du stress, il est non moins question d’un sujet, supposé réagir.
C’est évidemment ce sujet qui va définir la situation stressante, évaluer le risque et les moyens dont il dispose pour y faire face, projeter ses chances de réussite, etc.
Enfin, une dernière notion semble devoir être évoquée : celle de l’état de stress subi par le sujet face au stresseur.
En fait, c’est essentiellement l’histoire du sujet, sa manière de penser, ses émotions, ses motivations, sa capacité de conscience corporelle qui vont influencer l’état de stress.
Mais celui-ci n’en existe pas moins et doit être pris en compte.
Le stress objectif
Pour évaluer le stress, il convient avant tout de mesurer les événements de vie.
D’après Holmes et Rahe, le stress résulterait d’une “ accumulation de changements majeurs dans la vie du sujet, nécessitant une adaptation ”.
Ces chercheurs ont d’ailleurs établi une liste de ces changements, en leur attribuant des coefficients.
Parmi les plus graves, le décès du conjoint est affecté d’un coefficient de 100, le maximum !
Viennent ensuite le divorce, la séparation, la prison, le décès d’un parent, une blessure ou une maladie…
→ 100 : décès du conjoint
→ 75 : divorce
→ 65 : séparation
→ 63 : prison
→ 63 : mort d’un parent
→ 53 : accident ou maladie
→ 50 : mariage
→ 47 : licenciement
→ 45 : réconciliation avec le conjoint
→ 45 : mise à la retraite
→ 44 : maladie dans la famille
→ 40 : grossesse
→ 39 : problèmes sexuels
→ 39 : réajustement dans les affaires
→ 38 : modification des finances
→ 37 : mort d’un ami
→ 36 : changement au travail
→ 31 : hypothèque
→ 29 : enfant quittant le domicile
→ 26 : début ou fin d’année scolaire
→ 20 : déménagement
→ 16 : modification du sommeil
→ 15 : modification de l’alimentation
→ 13 : vacances
→ 12 : Noël
Mais attention, comme on le voit, le stress ne provient pas seulement des événements désagréables.
Il peut aussi bien être créé par une promotion professionnelle, l’arrivée tant attendue de la retraite ou l’annonce d’une grossesse.
Si bien que, même les événements les plus heureux de l’existence sont capables d’engendrer des maladies ou des troubles… à cause du stress, né du changement.
Mis à part le changement brutal de situation, l’accumulation de “ petits riens ” peut également être facteur de stress.
Ici, ce n’est plus l’importance de l’événement, mais sa répétition inlassable qui est en cause.
Tout comme les petits ruisseaux font les grandes rivières, ce sont les petites tensions quotidiennes qui font les grands stress.
Une variante de ce facteur réside dans les contraintes quotidiennes et répétées qui sont inévitablement attachées au rôle social que chacun joue, que ce soit celui de parent, de conjoint, de voisin, de directeur ou de responsable quelconque…
Bien sûr, le cadre professionnel est, dans ce domaine, beaucoup plus riche en possibilités de stress que tout autre, mais il arrive que celui de parent ne soit pas simple non plus.
Et il va sans dire que lorsque plusieurs rôles se superposent, chacun d’entre eux s’en trouve potentialisé à l’extrême.
Le stress perçu
La prise en compte du stress objectif ne doit bien entendu pas être sous-estimée, mais elle ne peut suffire à expliquer le phénomène.
Chacun sait, en effet, que, pour un même stress objectif, les uns vont être totalement anéantis, alors que les autres en profiteront pour rebondir et se renforcer.
Bref, la dimension humaine, c’est à dire la subjectivité, doit intervenir dans toute mesure intelligente du stress qui, dès lors, devra être considéré comme une transaction entre la personne et son environnement et non plus comme un simple événement.
C’est cette optique qu’ont adoptée les psychologues depuis une quinzaine d’années, notamment en développant la notion de “ stress perçu ”.
Autrement dit, c’est l’évaluation que le sujet fait d’une situation qui définit le stress.
Le stress n’est plus l’événement, mais l’idée qu’on s’en fait.
Bruno Quintard propose à ce sujet la meilleure formule :
“ Envisageons le stress, non plus comme une réponse systématique à tout événement objectivement catastrophique, mais plutôt comme un ensemble de perceptions fluctuantes d’impuissance et de malaise qui peuvent envahir l’individu confronté à des événements difficiles à maîtriser ”.
Sur cette base, il ne restait plus qu’à élaborer une échelle intime d’appréciation du danger, afin de mesurer ce stress ainsi redéfini.
L’échelle en question est constituée de quatre niveaux :
√ Le danger physique
Tant qu’il est clair et massif, comme une voiture qui fonce sur vous, le danger physique provoque un stress qui détermine une réaction immédiate de sauvegarde.
Mais il arrive qu’un danger pourtant bien objectif comme l’abus d’alcool ou de tabac, ou encore la conduite automobile trop rapide, soit subjectivement minimisé.
De même, dans le milieu professionnel, beaucoup de risques peuvent être appréciés à la hausse ou à la baisse selon la subjectivité de chacun.
√ La sécurité matérielle
Etant donné que nous avons tous besoin d’être assurés du gîte et du couvert, il est normal que le risque de perdre sa source de revenus soit perçu comme un stress.
Cela dit, certains de nos contemporains exagèrent outrancièrement ce risque et, alors, par exemple, qu’ils œuvrent dans un secteur ou le travail ne manque pas, se voient déjà S.D.F. à chaque froncement de sourcils de leur patron.
√ Le danger social
La peur du jugement du groupe d’appartenance, ou tout simplement du jugement d’autrui, détermine un stress qui, modéré, peut booster la réaction positive, mais, plus intense, paralyser complètement le sujet.
Le trac ressenti lorsqu’il faut parler en public en est un exemple typique, mais bien d’autres situations sociales peuvent déclencher des stress équivalents.
√ Le jugement de soi sur soi
Enfin, son propre jugement peut être source de stress.
Comme il ne s’agit surtout pas de se décevoir, on a constamment peur de ne pas être à la hauteur.
Mais là encore, il y a une différence de stress entre une personne hyper-exigeante vis à vis d’elle-même, et une autre plus “ relax ”.
L’ABC du stress
La théorie de l’ABC du stress a été proposée par un psychologue américain, Albert Ellis, et permet d’intégrer dans l’appréciation d’un stress l’influence des croyances personnelles sur les conséquences émotionnelles d’une situation.
Ces croyances plus ou moins erronées sur “ ce que devrait être la vie ” ont effectivement le pouvoir de transformer la situation réelle en situation générant anxiété ou colère.
Par exemple, si l’on pense qu’il faut être aimé de tous pour être heureux, la moindre animosité provoquera un stress démesuré.
Pour le perfectionniste, le moindre ratage se transformera en catastrophe, etc.
Pour éviter l’excès de stress, il est donc nécessaire, d’une part, de discerner entre les enjeux objectifs de la situation et les croyances erronées.
Et, d’autre part, de trouver, parmi les méthodes existantes, un solutionnement psychothérapeutique à ces croyances.
Pour ce qui concerne le discernement, Albert Ellis recommande d’observer ses pensées durant le stress, ses sensations physiques, ses sentiments et son comportement.
Puis d’analyser ces pensées pour savoir si elles sont parfaitement réalistes et logiques, et surtout quels effets elles peuvent avoir sur les sentiments et sur les comportements.
Dans un deuxième temps, il pourra être utile de confronter cette expérience et les résultats de son analyse au jugement de quelqu’un en qui l’on a confiance, et d’intégrer le mieux possible ce que peuvent nous apprendre ses réactions.
Enfin, pour ce qui concerne l’aspect psychothérapeutique, on ne peut que conseiller des méthodes comme la relaxation de Vittoz ou la psychologie de la motivation…
Jean-Baptiste Loin