Interview de Jean-Dominique Beaujaut
Originellement de formation scientifique, notamment spécialisé en immunologie, aujourd’hui praticien en acupuncture traditionnelle et en phyto-aromathérapie, Jean-Dominique Beaujaut est un énergéticien qui s’est passionné très tôt pour l’alimentation et à qui l’on doit quelques très intéressants ouvrages sur le sujet.
Nous l’avons rencontré et lui avons demandé de nous éclairer dans le domaine de l’énergétique alimentaire…
Historiquement, d’où vient la notion d’énergétique alimentaire ?
Elle remonte à la nuit des temps.
A partir du moment où l’on définit le concept d’énergie, on ne voit plus la matière comme quelque chose d’inerte, et, au plan alimentaire, cette matière représente alors un complexe vivant dont la finalité est de transmettre l’énergie.
En d’autres termes, l’énergie est la manifestation de tout ce qui est vivant à travers la matière. Et, à partir du règne végétal, on peut parler d’un processus de vie.
Ce concept de l’énergie de vie remonte donc à l’animisme le plus ancien, et s’est trouvé réactualisé en Chine, il y a plus de cinq mille ans, dans une médecine très empirique, où tout était relié à l’observation, au cosmos, à la cosmogonie…
Comment fonctionne-t-elle, cette énergétique chinoise ?
On sait que l’univers se présente sous deux aspects : la matière et l’énergie.
L’énergie a besoin d’un support : la matière.
Et la matière a besoin d’être structurée par l’énergie.
Par exemple, l’eau, sous l’action de la chaleur, va se transformer en vapeur, et, à l’inverse, sous l’action du froid va se transformer en glace. On a là l’opposition et la complémentarité d’un seul élément sous deux aspects différents.
L’énergie c’est un souffle. On parle d’ailleurs de « respiration énergétique de l’univers ».
On sait que la terre respire, que l’homme aussi respire, et qu’il s’effectue un échange entre eux.
On sait que l’homme – comme les autres règnes à partir du végétal – intègre et individualise la transformation des éléments extérieurs, air, lumière, soleil, en énergie spécifique.
Le végétal, quant à lui, sous l’action de la lumière solaire, élabore de la matière organique, en absorbant le gaz carbonique et en rejetant l’oxygène.
De plus, ce végétal contient de l’eau qui a la capacité de capter et de restituer ces rayonnements solaires et l’énergie qu’ils représentent.
La plante va donc se structurer d’après l’information qu’elle reçoit de l’énergie solaire, en une forme qui lui sera propre.
Et si cette plante reçoit une bonne information, elle sera bien structurée et la qualité sera au rendez-vous.
Enfin, les rythmes solaires, lunaires, planétaires, ainsi que les rythmes saisonniers, interfèrent sur le développement de la plante en activant des forces vitales.
Mais, bien sûr, il faut ici distinguer l’énergie vibratoire – celle dont je parle – de l’énergie calorique que nous connaissons en diététique occidentale.
Cette définition de l’énergie est-elle vraiment conforme à la Tradition chinoise, ou n’est-elle pas beaucoup plus moderne et même colorée d’une certaine vision anthroposophique ?
Un petit peu, oui, mais dans la vision anthroposophique de l’énergie, on retrouve les mêmes principes de polarité qu’en Chine.
En fait, il faut comprendre que les Chinois sont des gens très pragmatiques, utilisant des mots très simples, mais que derrière ces mots il y a une multitude de données qu’il appartient à chacun de replacer dans son propre contexte culturel.
Alors, pour éviter de singer, il faut essayer de rapporter ces concepts à notre culture occidentale, et les adapter en fonction de nos connaissances actuelles.
Quant à l’Anthroposophie, c’est une médecine profondément liée à la nature, au minéral, au végétal et à l’animal, tous éléments également très bien intégrés dans la médecine chinoise.
Ces deux approches ont, en tout cas, en commun un concept de descente et de montée de l’énergie ; et l’on y admet conjointement que tout ce qui est situé entre ciel et terre est appelé manifestation, qu’il y a des échanges, et que l’énergie est véhiculée, allant du haut vers le bas…
Dans la science occidentale moderne on appréhende de plus en plus ce concept d’énergie, et l’on sait qu’au-delà de la matière cette énergie est présente.
Comment cette énergétique s’applique-t-elle à l’alimentaire ?
Il est indispensable, tout d’abord, de replacer la plante par rapport à son environnement, d’observer son développement dans le milieu vivant, d’établir si ce développement est plutôt racinaire ou en relation avec le ciel, d’observer la forme, la grandeur, la grosseur, la couleur, la consistance…
Et ce n’est ensuite que par comparaison que l’on aboutira à une chaîne d’analogies à partir de laquelle on pourra dire qu’un végétal est plus énergétique qu’un autre.
Par exemple, le riz est une plante qui se développe dans le sens de la hauteur, avec une tige très mince, un développement aérien.
A l’inverse, la pomme de terre a un développement racinaire, dans un milieu sombre, humide, relié à la terre.
Dans le premier cas, le riz se développe dans le plan vertical, dans un milieu clair et chaud, et sa forme est rétractée.
Quant à la pomme de terre, elle se développe dans un milieu horizontal, dans le froid et l’humidité, et sa forme est dilatée.
Ainsi, on a deux développements différents ; et, au plan métabolique, l’énergie ne va pas s’exprimer de la même façon.
Les hydrates de carbones retenues par le métabolisme du riz ne vont pas alourdir le métabolisme digestif humain, mais vont permettre, en se dirigeant vers le haut du corps, de fortifier l’activité cérébrale.
Ces hydrates de carbone seront donc favorables à l’intériorisation, à la méditation, à l’activité cérébrale…
A l’inverse, l’activité de la pomme de terre va nous rattacher à la terre, va fortifier l’activité métabolique, nous permettre de nous incarner, d’activer l’aspect volontaire, le déplacement, l’activité physique, mais ne va pas faciliter l’activité cérébrale…
Sur le plan scientifique, on sait par ailleurs que la céréale est riche en silice, et que la silice a une action particulière sur le cerveau.
Au contraire, le potassium que l’on retrouve dans la pomme de terre, avec tous les sels calcaires, permet à l’enfant de grandir et de prendre du poids.
La macrobiotique établit une liste d’aliments Yin et d’aliments Yang. Est-ce licite ?
Non, il ne faut pas penser « Yin-Yang », comme « Laurel et Hardy » !
Il n’y a pas de « et » entre Yin et Yang. Le Yin-Yang nous signifie qu’il y a une proportion relative de l’un dans l’autre.
Prenons l’exemple de la consistance : on peut constater qu’une aubergine est beaucoup plus molle qu’une carotte.
De la même manière, si l’on considère l’aspect température, un fruit qui a poussé au soleil est plus chaud qu’un légume racine…
Tout est relatif, et il ne faut être catégorique en rien.
Le Yin-Yang demande une compréhension globale. Plus on analyse, plus on se perd !
Comment composer ses repas ?
Il faut avant tout tenir compte de la saison.
Il y a, bien sûr, aussi des critères de qualité biologique, mais, dans la perspective énergétique, il est surtout important de manger ce que la saison et la région nous offre.
Et, puisqu’on va éviter de faire une classification Yin ou Yang, il sera bon de consommer aussi bien la partie racine, que la partie tige, ou feuille, ou fruit de la plante…
Mieux vaut aussi que les méthodes de production soient en correspondance avec la nature.
Il serait dommageable qu’un forçage perturbe l’énergie du végétal. Il faut aussi que ce végétal soit fraîchement récolté.
Enfin, le mode de cuisson et le savoir-faire du cuisinier, jouent beaucoup sur la qualité vitale de l’aliment consommé.
Comment adapter l’alimentation aux problèmes énergétiques spécifiques de l’individu ?
Quelqu’un qui n’a pas de problème de santé mais qui tient à conserver un certain bien-être choisira ses aliments en fonction de la saison, drainera et reminéralisera son organisme avec les produits de la saison.
Mais, en cas de maladie, avec ses carences et ses excès, le corps va naturellement appeler la personne à choisir certains aliments, certaines saveurs.
Par exemple, lorsqu’on recherche le citron, cela indique un vide d’énergie au niveau du foie.
Chacun devrait être encouragé à être attentif à cela, et à privilégier la saveur qui l’appelle.
Mais en présence de pathologie, l’individu peut être insensible à ses besoins ?
Bien sûr, il y a une éducation à faire.
Il est vrai que la médecine dominante actuelle à plus tendance à endormir qu’à éveiller !
De toute façon, il est bien évident que si l’on ne s’intéresse pas à la diététique, ou même si l’on entre dans le standard de la diététique calorique, on n’aura pas la chance de découvrir ce concept d’énergétique alimentaire.
Mais si l’on est un peu à l’écoute de son corps, on aura pris l’habitude de privilégier une nourriture vivante et saine, stimulant ainsi plus encore la sensibilité.
Dans le cas contraire, la nourriture dégénérée consommé si fréquemment de nos jours rend la personne encore plus insensible à ses besoins. Et nul ne pourra mettre cette personne sur la bonne voie si elle ne fait pas la démarche elle-même.
Quelle utilisation faites-vous, dans le cadre de votre profession médicale, de cette énergétique alimentaire ?
En Occident, on connaît surtout l’acupuncture, mais la médecine chinoise est beaucoup plus vaste, et la base de cette médecine, y compris chez les acupuncteurs traditionnels, c’est quand même la nutrition !
Pourquoi ? Parce que l’aliment entretient le sang, et qu’il faut du sang pour que l’énergie se manifeste.
La première démarche pour un praticien consiste donc à évaluer quantitativement et qualitativement l’énergie de son patient par le biais de la prise des pouls.
Ainsi, on verra si le patient présente une déficience orientée plus particulièrement vers un organe.
Avant toute pratique acupuncturale, il est donc indispensable d’évaluer les habitudes, les choix et les préférences de la personne, et de régler son alimentation.
Autant dire qu’il ne s’agit pas là de prescrire un régime diététique standard, mais de l’établir quantitativement en fonction de la personne, et qualitativement en fonction de la saison.
Un praticien qui ne tient pas compte de la capacité spécifique du patient à ingérer et à transformer la nourriture, ne peut pas obtenir des résultats durables.
Ainsi, en fonction du déséquilibre constaté, on orientera le patient vers certains aliments, vers certaines saveurs…
Par exemple, s’il y a un déficit au niveau intestinal, en automne, on choisira des plantes comme le radis noir, avec sa saveur piquante qui agit indirectement sur les systèmes vésiculaire et intestinal, nettoyant et purifiant toute la sphère intestinale.
Ce faisant, on utilise la saveur saisonnière et on agit quantitativement sur l’organe.
Quelles grandes découvertes avez-vous faites grâce à l’énergétique alimentaire chinoise ?
La première découverte que j’ai faite, c’est qu’il était important de sortir de l’idée macrobiotique selon laquelle il faudrait supprimer certains aliments au profit d’autres.
Je crois, au contraire, qu’il faut intégrer tous les aliments, mais les choisir en fonction des saisons et de la morphologie de l’individu.
Ma seconde découverte a été en rapport avec le discours.
Pour que la médecine chinoise donne des résultats, je crois qu’il est indispensable qu’elle puisse rentrer dans notre mode de pensée occidentale.
Il y a des clés à donner aux patients pour qu’ils aient des points de repères et des références.
Par exemple leur faire comprendre qu’il est important de manger des légumes racines en hiver parce qu’ils vont nous apporter des minéraux.
J’ai aussi beaucoup insisté sur la notion de chaud et de froid, de cru et de cuit, pour aller à l’encontre du crudivorisme.
Dans le corps, il y a en effet des parties froides et des parties chaudes ; et, en mangeant des aliments chauds, on stimule le métabolisme interne.
Pour quelqu’un qui aurait besoin, par exemple, de prendre du poids, des repas chauds seraient indispensables.
Inversement, la surconsommation de produits naturels crus et froids, devrait être déconseillée à toute personne déficiente.
Quant aux aliments transformés entrant dans la chaîne du froid, ils affaiblissent encore plus le potentiel de chaleur interne que les excès de crudités.
On sait que l’être humain est un être de chaleur, jusque dans sa psychologie ; et si l’on continue à s’alimenter dans cette chaîne du froid, on va perdre beaucoup d’énergie.
Cette habitude de consommation du surgelé peut d’ailleurs expliquer en partie la recrudescence des maladies dites de civilisation.
Il faut comprendre que, même lorsque l’aliment congelé est réchauffé, l’eau qu’il contient garde en mémoire ce froid, et ne lui permettra pas de retrouver pas la vitalité qu’il avait à l’état naturel.
Quel pourrait être le futur de l’énergétique alimentaire ?
Il faut privilégier la vie, le biologique.
Mais le futur c’est aussi la rigueur scientifique pour prouver que derrière la matière il y a l’énergie.
Certaines méthodes existent déjà, comme les cristallisations sensibles, qui permettent de travailler non plus sur le seul aspect quantitatif, mais sur l’aspect qualitatif, notamment pour évaluer la capacité vitale d’un aliment.
Le bon sens du consommateur devrait aussi se développer, devenir plus sensible, plus éduqué…
En fait, l’avenir passe par le consommateur.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Loin
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