Tout comme le soleil ne brille que sur un axe de la Terre à la fois, tandis que l’Occident finit son naufrage dans les ténèbres de son règne matérialiste, l’Orient, lui, a eu pour mission d’apporter les lumières de nombreuses compréhensions spirituelles.
Ce qui n’a pourtant pas empêché certains précurseurs, tenus dans l’ombre du microscope, de créer des passerelles adaptant la vision occidentale étriquée des sciences exactes, aux possibilités de l’esprit.
Permettant aujourd’hui à l’hypnose, mais aussi aux règles strictes des sciences modernes, de faire un bond quantique vers la richesse du Bouddhisme Chan, du Zen Japonais, du Taoïsme de Lao Tseu et… des Qi Gong.
Ce trait d’Union menant à une nouvelle discipline thérapeutique, dont l’initiateur, Benjamin Watteau, nous dévoile le fil conducteur ainsi que les subtilités dans son premier ouvrage, s’avère tout aussi surprenant que pratique.
Je vous en détaille le principe dans cet article.
Celles et ceux s’étant un tant soit peu intéressés aux phénomènes de la transe, ou ayant vibré singulièrement à l’appel de leur conscience, ne sont pas étrangers à l’hypnose.
Ils n’y sont pas totalement étrangers dans la mesure où l’hypnose, dans ses fondations comme son développement le plus subtil, n’est autre qu’une démarche visant à mettre au service du patient le potentiel métaphysique de sa propre psyché.
Une compréhension poussée par des novateurs comme Mesmer et son ouvrage sur le magnétisme animal, puis par les fondateurs de l’hypnose moderne ayant trouvé leur apogée avec l’enseignement de Milton Erikson et François Roustang.
Une foule de connaissances réunies et appliquées par Benjamin Watteau dans un livre étonnant, explorant les origines de l’hypnose jusqu’aux Qi Gong médicaux, de l’immuabilité du Zen aux méandres de l’esprit analytique.
Une approche de la maladie dont le pont spirituel de Roustang, assurant qu’elle n’est que le résultat d’une maladresse, agit comme pivot d’un potentiel inexploité de l’hypnothérapie.
Une hypnose eriksonienne ayant été conduite jusqu’au trésor intérieur de la méditation silencieuse.
Selon Benjamin, « la rencontre entre la pratique occidentale de l’hypnose et la pensée orientale indique la possibilité d’un changement dans la conception de la conscience humaine ».
Un pari que Patrick Shan, héritier de la pratique du Dr Leung et ethnomédecin au CEDRE, pense avoir été brillamment tenu dans cet ouvrage, sachant « exposer de manière structurée ce qui dépasse la structure du mental ».
En voici un bref aperçu.
De la transe à la conscience
Dans la trame de la balade mentale à laquelle nous invite Hypnose, Qi Gong et Méditation Silencieuse, les joutes révélatrices de l’inconscience des sciences modernes sont reconstituées et mises en exergue à travers un déroulement chronologique fort intéressant.
Tandis qu’au 18ème siècle Puységur concluait dans ses réflexions sur le magnétisme animal que :
« La pensée meut la matière… et l’action magnétique est une impulsion de mouvement. … D’une action naît le mouvement, et point de mouvement qui ne se transmette à l’instant. »
Dès la fin du 19ème siècle, Jean-Martin Charcot dissèque avec acharnement la nouvelle mode de « l’hypnotisme » se répandant dans les salons parisiens, en dépouillant le magnétisme animal de son aura mystique avec une insistance si prompte à la querelle, que Benjamin Watteau la décrit comme un « charcotage » des passerelles métaphysiques existant dans la vision de Puységur.
Depuis ces prémisses significatives, les médecines matérialistes ont méticuleusement expurgé de tout mouvement naturel, inexplicable à leurs yeux, les thérapies cherchant le fil conducteur par des connaissances chamaniques et spirituelles.
Malgré tout, la persévérance de François Roustang permit d’engendrer une « hypnose taoïste », éclairant du regard de Lao Tseu les explorations inexpliquées de l’hypnotisme comme les démonstrations spectaculaires d’Erickson.
L’auteur en profite pour questionner notre raison :
« Le principe de la suggestion demeure mystérieux. Comment la présence, le verbe du thérapeute peuvent avoir une influence sur le psychisme d’un autre et bien plus encore sur sa physiologie ?
Derrière ces questions se posent deux problèmes de fond. Celui de la nature de la relation entre tous les êtres, et celui de la relation entre la matière et l’esprit.
Selon Karl Popper, une théorie n’est scientifique qu’à partir du moment où elle offre la possibilité d’être invalidée par des données nouvelles. C’est le principe de réfutabilité…
Quand une cosmologie est considérée comme non scientifique, elle est qualifiée de cosmogonie. C’est à dire de récit légendaire sur l’origine du monde. De ce point de vue les cosmologies produites par les sciences du passé, tout comme celles produites aujourd’hui, ont une composante cosmogonique…
D’une manière générale, la question de la conscience n’est pas intégrée dans les sciences physiques qui tendent à reléguer cet aspect du monde du côté de la métaphysique ou des religions…
Comment rendre compte à partir de théories matérialistes de l’émergence de la conscience ? »
Ou plus prosaïquement, comme l’a formulé D. Chalmers, « comment se fait-il que lorsque nos systèmes cognitifs s’engagent dans le traitement de l’information visuelle et auditive, nous avons une expérience visuelle ou auditive : la qualité du bleu profond, la sensation du Do moyen ? »
Mais dès le début du 19ème siècle une large brèche fut percée dans l’ignorance opaque de la physique moderne par Max Planck, inventeur des fondations de la mécanique quantique.
Laissant à la postérité scientifique un héritage qui, compte tenu des évolutions spectaculaires naissant de ce concept, permit à la physique du 20ème siècle de déborder bien au-delà des « limites » qu’elle tenait pour acquises et immuables.
Et pour Planck, la corrélation semble tant évidente que majeure :
« Je tiens la conscience pour fondamentale. Je considère que la matière découle de la conscience. Nous ne pouvons remonter au-delà de la conscience. Tout ce dont nous parlons, tout ce que nous considérons exister présuppose la conscience. »
Créant une « alternative intellectuelle » prenant essor chez les scientifiques assimilant les principes de la physique quantique.
« Il s’agit de l’hypothèse panspirite. Tout est conscience. Nous invitant à prêter une attention renouvelée aux plus anciennes traditions spirituelles. »
Or, et c’est une des grandes qualités de ce livre, si la question spirituelle ou la pensée chinoise, japonaise ou asiatique en général vous a effleuré l’esprit, une mine de citations des plus grands maîtres Zen et Taoïstes ouvre de nombreuses ramifications visant à poser les bases du sens de l’existence.
En qualité d’expert de la tradition asiatique et Professeur d’acupuncture, Benjamin Watteau déroule au lecteur un subtil fil d’Ariane :
« Ce que nous dénommons le mental – Jin Shen – englobe ce que nous appelons communément notre expérience intérieure : pensées (Xin Sang), images (Xiang), émotions (Gan Xing), désirs (Yu Wang) et notre expérience de l’extérieur, à savoir le monde que nous connaissons par les cinq sens de la perception (Zhi Jue)…
Ce que nous appelons mental c’est cette dynamique de production du vécu. Il s’agit, pour ainsi dire, de la fabrique de tout ce qui nous passe par la tête quelle qu’en soit l’origine.
Le mental désigne donc l’ensemble de l’activité de production des phénomènes qui traversent la conscience… Il ne doit pas être confondu avec l’intellect, qui n’est qu’une des dimensions du mental, sa partie rationalisante visant à s’extirper de l’émotionnel en le contrôlant. »
Nous amenant progressivement à un point qui ne va pas manquer de piquer votre curiosité.
La somatisation
« Les conditionnements comportementaux entravent l’expression de la spontanéité, du naturel.
Dans un travail thérapeutique, il importe de les traiter dès qu’ils deviennent gênants pour la vie quotidienne par la rigidification qu’ils entraînent. »
Comme le décrit l’un des fondateurs du Taoïsme, Zhuang Zi :
« Aux yeux du Dao, le noble et le vil, tout cela se renverse l’un dans l’autre. Surtout n’y attachez pas votre pensée, vous seriez en désaccord avec l’ordre des choses; qu’est-ce qui est grand, qu’est-ce qui est petit ? Tout cela est variable, n’adoptez pas une conduite rigide, car vous vous écarteriez de la voie. »
Néanmoins après avoir été banni par la Révolution Culturelle, le sens profond de ce texte n’est désormais accessible qu’à une poignée de chercheurs spirituels.
Pour la grande majorité le piège se refermera encore et encore.
« Pris au piège, le « moi » ne peut plus se fier, ni à sa spontanéité et les ressentis pré-conceptuels dont il s’est coupé, ni à ses habitudes comportementales qui ne lui permettent plus d’être accepté par son environnement, d’être en relation.
Il ne s’adapte plus au changement, se retrouve en décalage, donc défaillant.
Les symptômes apparaissent. Ce sont des comportements inadaptés, déconnectés de l’environnement présent, du mouvement relationnel en cours, sur lequel il n’a pas de prise.
Le moi tentant de reprendre le contrôle mais incapable de le faire, sent les tensions initiales se renforcer.
Dès lors la peur de l’émotion négative associée à la manifestation du symptôme et aux réactions de l’environnement social conditionnent une réaction prioritaire d’évitement systématique des situations identifiées comme dangereuses. Le champ des possibles se réduit, la perte d’adaptabilité s’accroît. »
Trouvant écho jusqu’au pressentiment de Montaigne :
« Qui craint de souffrir… souffre déjà de ce qu’il craint. »
Selon Watteau, au contraire, il s’agit d’aider le malade à prendre de la hauteur sur son fonctionnement afin d’abolir toute sensation de victimisation.
Suivant par la même occasion le cheminement de la pensée d’Einstein :
« On ne peut pas résoudre un problème avec l’état d’esprit qui l’a créé. »
C’est pourquoi cette nouvelle hypnose émet le postulat que :
« L’objet de la thérapie n’est donc pas de régler le « problème » du patient mais de rééduquer le mental qui a créé ce problème et qui l’entretient en cherchant à « le » résoudre sans se changer lui-même.
Celui qui se heurte à une difficulté récurrente est aussi celui qui, par la solution qu’il choisit, crée ou maintient le problème auquel il se heurte. »
Songez un instant ce que l’apport de la médecine traditionnelle chinoise, à travers l’expérience ancestrale de son fameux diagnostic où le patient est invité à parler librement de ses problèmes en initiant un dialogue pouvant remplacer la durée de la séance, que ce soit à travers le Tui Na, les Qi Gong, l’acupuncture ou la pharmacopée, pourrait apporter à une séance d’hypnothérapie.
Les différentes étapes de cette approche verbale pourraient être énoncées clairement et participer au sens de l’induction hypnotique.
La « maladresse » remplaçant la culpabilité de la « pathologie » pour :
- Prendre conscience de ses filtres et interprétations
- Être présent au ressenti et aux émotions
- Percevoir ses divisions internes
- Recadrer ses désirs
- Apprendre à se centrer dans la présence du témoin « Je »
- Réaliser les bénéfices retirés de la situation
- Avant d’entrer dans l’Action
Sachant que le potentiel d’un tel processus n’est pas à l’essai, plusieurs fois millénaire il a largement fait ses preuves.
Ce qui nous amène précisément au point d’orgue de ce recueil de connaissances, relevant tant du pouvoir de la réflexion que du guide pratique, à savoir la capacité à pratiquer l’hypnothérapie avec une présence à soi telle, que le patient ait l’impression d’être seul.
Pour M. Vinogradoff, dans son ouvrage sur L’hypnose taoïste :
« Le vent se conforme au relief. De même, la parole du thérapeute se conformera à la disposition du patient. Ce sera alors une parole qui s’insinue dans les vides, tel le vent qui s’insinue dans les moindres failles. Suivre et se conformer au patient, tel le vent suit et se conforme au terrain qu’il balaye. Voilà le flux à suivre. Une fois que le patient est confronté à son vide, alors il s’agit de laisser souffler en lui son vent intérieur. »
Ces approches se trouvant magistralement réunies au travail de Roustang, ayant lui-même pris soin de tirer le meilleur de la pratique d’Erickson, je vous laisse imaginer la versatilité et la puissance de cette nouvelle pratique.
Les régimes hypnotiques
« Dans cette forme d’hypnothérapie basée sur la métaphysique et la psychologie du Chan et du Taoïsme, le symptôme n’est pas considéré comme un mal-être interne au psychisme du patient, le « moi » n’ayant pas de substance propre. Le symptôme n’est donc pas dissociable de la situation de la personne et des relations qu’elle entretient avec son environnement. »
Tout comme l’illustre Georges Charles dans son Qi Gong de la lumière, retrouver la liberté d’agir en desserrant l’emprise du mental est un peu comme l’analogie sur le « Maître Coeur », concernant les rapports que l’Empereur entretient avec ses ministres.
« Un ministre est chargé d’administrer – le royaume – afin de ne pas déranger l’empereur… C’est principalement lui qui est chargé d’opérer la jonction entre le microcosme et le macrocosme environnemental et ceci tant sur le plan social que sur le plan du rapport complexe avec l’environnement direct, incluant la nature, le ciel, l’univers et puis le Tao…
Le Cœur, sous l’influence de ce ministre trop protecteur n’agit plus de son plein gré et ne s’exprime plus que par la voie de son ambassadeur. Ses actions sont limitées et ses propos déformés, dans le seul but évidemment de sa protection.
Un peu comme des agents de sécurité qui, dans une grande surface, enfermeraient des employés et empêcheraient les clients d’entrer puis se chargeraient de la communication vers l’extérieur en affirmant que tout va bien et que la situation est sous contrôle. »
Afin d’éviter consciencieusement cette confusion dépossédant « l’Empereur » de son royaume, le thérapeute suggère au patient de réintégrer le symptôme.
Contrairement au reste des thérapeutiques existantes, ou presque, il n’est ni question de l’oublier, ni de l’analyser, ni de le détruire ou de le contrôler de quelque manière que ce soit.
À la place, vous êtes invité à vous installer dans ce qui est.
« L’acceptation par le patient de ce qui est, est la condition préalable à la résolution de sa problématique. »
Qu’est-ce que Georges Charles et le Taoïsme viennent faire dans la pratique de l’hypnose pensez-vous encore ?
Eh bien cette forme de « nexialisme » des thérapies cognitives et de la compréhension spirituelle, comme l’avait formulé Rudolf Steiner, s’appuie largement sur les Qi Gong médicaux.
« Une fois énoncé le fonctionnement de l’hypnose thérapeutique dans le cadre de la philosophie du Chan et du Taoïsme, il est possible de décliner les différents usages pertinents qui peuvent en être faits en cabinet. »
- Dissoudre les empreintes actives pathogènes
- Atténuer la douleur
- Accéder à l’intelligence du corps esprit pour accompagner le traitement des maladies
- Ne rien faire et laisser faire
- S’absorber dans la sensation
- Utiliser le pouvoir de l’imagination
- Rejoindre l’origine des phénomènes
- Avant de participer au Retour…
« Accède à la vacuité, tu seras l’axe du monde ;
Préserve ta quiétude, tu en seras l’étalon.
Face au pullulement des êtres,
Je comprends leur retour.
La création, en un incessant carrousel,
Revient toujours à la racine.
Le retour à la racine procure la quiétude,
La quiétude fait retour à la nature innée, obéit à la norme. »
Lao Tseu
Une compréhension invitant Benjamin Watteau ainsi qu’une poignée d’initiés, à dire :
« La réalisation de la véritable nature de l’esprit est la guérison suprême. »
La transe de l’ego
Nombre de ces états amenant la guérison du corps par le biais d’une communication directe avec le spirituel, sont vécus par l’ego comme une transe.
Une transe nous plongeant jusqu’aux sources d’un ordre inversé du conditionnement matérialiste actuel.
« L’hypnose aujourd’hui se présente comme le mode culturellement acceptable d’accès à la transe en tant que processus de guérison et de libération de Soi.
Elle est le cheval de Troie qui ouvre la porte à une autre expérience de ce qui fait notre humanité au sein de la culture matérialiste.
C’est au cœur de ces phénomènes de transe que le pouvoir créateur de la Conscience peut se manifester de manière déroutante. »
Bien à vous,
Jean-Baptiste Loin
Pour en apprendre plus sur Benjamin Watteau et sa nouvelle approche de l’hypnothérapie, pour trouver un thérapeute la pratiquant, ou pour accéder à son livre, je vous invite à vous rendre à cette adresse.
À lire :
Hypnose, Qi Gong, Méditation Silencieuse de Benjamin Watteau aux éditions Satas
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Bonjour Jean Baptiste,
Je lis régulièrement vos documents et silencieusement, je vous dis merci, mais cette fois, je ne veux pas vous priver du plaisir de l’entendre dire.
Cet article m’a particulièrement intéressée et la vidéo de B. W. me touche particulièrement comme approche de ce qui s’apparente à l’hypnose mais va mieux et bien au-delà, à première vue. Il reste à aller voir.
Merci.
Cordialement.
MF